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Soeurs de la Charité

Connues sous le nom de Filles de Saint-Vincent de Paul à Besançon (1807), soeurs de la Charité de Besançon (1808) ou encore de soeurs de la Charité sous la protection de Saint-Vincent de Paul (1819), dite de Sainte-Jeanne-Antide Touret (fondatrice de l'ordre au XVIIIe siècle, elle devient aussi sainte patronne de la congrégation). La présence des soeurs de la Charité de Besançon en Suisse remonte à l'année 1810. Par reconnaissance de l'accueil reçu en Suisse en 1797 durant sa période d'exil de France révolutionnaire, Jeanne-Antide Thouret accepte de fonder au Landeron un hospice de charité pour les malades à domicile (1810). Il faut comprendre qu'il s'agit non d'un hôpital, mais d'un centre de soins ambulatoires avec distribution de médicaments et de secours matériels, ainsi que d'assistance spirituelle. Elle y adjoint une école. C'est la première maison des soeurs de la Charité de Besançon en Suisse. Jusqu'aux luttes du Kulturkampf, la congrégation ouvrira trente-cinq établissements en Suisse, spécialement de le Jura, mais aussi dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Fribourg. Dans la plupart des cas, il s'agit de sollicitations communales, par l'intermédiaire du curé du lieu, pour l'ouverture de classes enfantines, voire primaires, d'orphelinats ou de pensions pour enfants pauvres, comme dans les Franches-Montagnes, au début du XXe siècle (Belfond 1902, Courgenay 1905, Miserez 1909). On demande des religieuses aussi pour des centres de soins aux malades et diverses tâches paroissiales. Ces établissements correspondent aux voeux des populations. C'est en tout cas ce qui ressort des contrats dûment établis: donner aux enfants et aux jeunes filles une bonne éducation, une solide instruction, procurer aux malades la consolation d'une assistance religieuse. Pour comprendre cette floraison d'établissements, il faut rappeler que dès 1815, l'ancien Evêché de Bâle est intégré au canton de Berne, dont la religion officielle fut longtemps le protestantisme. Le particularisme jurassien se manifeste alors par une résistance aux nouvelles autorités, notamment en matière scolaire. Les épisodes du Sonderbund et surtout du Kulturkampf ont entraîné des crises d'anticléricalisme qui aboutirent à la sécularisation et au contrôle scolaire, puis, souvent, au départ des religieuses. Et cela même si, pour un temps, on distinguait nettement les religieuses d'origine jurassienne, donc tolérées, éligibles à la fonction de régente, des religeuses de nationalité française, donc étrangères, dites "placées". En matière d'enseignement, l'Etat de Berne a exigé l'examen officiel pour le brevet d'Etat, même si, en 1839, le grand vicaire de Besançon avait fait reconnaître la supériorité de l'expérience scolaire des enseignantes congrégationistes. Ailleurs, il y eut des scènes de charivari carnavalesque pour fustiger les autorités qui obéissaient à l'Etat bernois. Plus d'un conseiller communal fut condamné pour insubordination. De nombreuses pétitions ont été signées par la population, parfois publiées dans la presse régionale avec l'espoir d'infléchir les autorités bernoises. Par esprit de provocation comme de résistance, les demandes communales affluent à la maison mère de Besançon. La liste des communes demandeuses est longue: Bure, Bessaucourt, Buix, Chevenez, Damvant, Grandfontaine, Les Genevez, Montfaucon, Vendlincourt, Miécourt et Bassecourt (1866). Les soeurs donnent leur accord pour Fontenais, Coeuve, Damvant, Miécourt, Saint-Ursanne, Les Genevez, Les Breuleux et Epauvillers. Vient alors "l'affaire" de l'opposition radicale virulente à l'évêque Eugène Lachat, les enquêtes tracassières contre les soeurs (enquêtes de 1874 à Saignelégier et St-Ursanne; arrêté bernois de janvier 1874 contre les ursulines de Porrentruy). Malgré toutes les protestations, les autorités bernoises déposent Mgr Lachat et exigent le départ des religieuses. Les soeurs de la Charité de Besançon reviendront pourtant en Suisse, notamment dans le Jura catholique et dans certaines paroisses catholiques des cantons protestants. En 1954 a lieu la réunification de la congrégation de Besançon et de la congrégation italienne, qui forment désormais une seule et même entité, dont le généralat est à Rome. Les soeurs de la Charité ne sont dès lors plus subdivisées en congrégations, mais en 10 provinces et 2 régions. C'est devenu un institut international de droit pontifical à voeux simples et perpétuels.
La liste de tous les établissements jurassiens et suisses des Soeurs de la Charité sous la protection de St-Vincent de Paul (Ste-Jeanne-Antide Thouret) se trouve dans le volume Helvetia Sacra, VIII/2, 1998, pp. 633-634.

Auteur·trice du texte original: Philippe Hebeisen, 11/11/2004

Bibliographie

Marie-Anne Heimo, "Soeurs de la Charité sous la protection de St-Vincent de Paul (Ste-Jeanne-Antide Thouret)", in Helvetia Sacra, VIII/2, 1998, pp. 453-495 [spécial. 453-459] Joëlle Droux, L'attraction céleste. La construction de la profession d'infirmière en Suisse romande (XIXe-XXe siècles), Genève, 2000.

Suggestion de citation

Philippe Hebeisen, «Soeurs de la Charité», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://diju.ch/f/notices/detail/216-soeurs-de-la-charite, consulté le 20/04/2024.

Catégorie

Religion
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