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Xainctonge, Anne de (1567-1621)

Originaire de Dijon (F). Née à Dijon le 21 ou le 22 novembre 1567. Décédée à Dole (F) le 8 juin 1621. Fille de Jean de Xainctonge, conseiller au Parlement de Bourgogne, et de Marguerite Colard. Baptisée dans l’église de Saint-Médard à Dijon. Catholique.

Mère fondatrice de la première école pour filles à Porrentruy.

Biographie
Issue d’une illustre famille catholique de Dijon et aînée d’une fratrie de trois enfants, X. reçoit une solide éducation religieuse et intellectuelle sous l’influence de ses parents et de sa pieuse et savante demi-sœur, Nicole de Ligeras. Diverses anecdotes de sa première enfance la révèlent fervente pratiquante de la foi chrétienne avec un fort désir d’apprendre et d’instruire. Ainsi, elle se serait soumise à des mortifications excessives dès son plus jeune âge et aurait catéchisé les domestiques avec zèle. Peu après sa confirmation, elle est atteinte d’une grave maladie. Empêchée de quitter son lit, elle demande qu’une messe soit dite dans sa chambre. Durant la célébration, elle réussit à se redresser et guérit miraculeusement. Aussitôt remise de ses souffrances, elle aurait obtenu du curé le droit de s’approcher de la table sainte (alors interdite aux enfants), basant son argumentation sur les paroles de Jésus « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi » (Matthieu 19 :14).
Son adolescence est marquée par la présence du Collège jésuite « des Godrans », fondé en 1581 dans un bâtiment à proximité immédiate de sa maison paternelle. Parmi les pères jésuites, X. trouve son premier confesseur ainsi que ses mentors spirituels. Mais c’est encore sous un autre aspect que le Collège s’avère source d’inspiration pour ce qui deviendra le projet de sa vie : elle y observe quotidiennement grand nombre de garçons et jeunes hommes recevoir une éducation de première qualité et ressent fortement le manque d’une telle possibilité pour les filles. C’est cette observation qui la pousse à vouer sa vie entièrement à l’ « édification et instruction de la ieunesse de [son] sexce, à la imitation de St. Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus » (selon les paroles de sa future co-sœur et confidente, Cathérine Saint-Mauris).
En 1595, les jésuites sont expulsés de Dijon par le roi Henri IV et s’enfuient à Dole. Le 29 novembre 1596, X. suit leur exemple – clandestinement et contre la volonté de son père, qui lui est partisan du roi. L’abandon de la Bourgogne pour aller réaliser son œuvre dans la Franche-Comté voisine, alors sous le règne des Habsbourg de l’Espagne et hostile à la France, est interprété par son père comme une traîtrise contre sa famille et son pays natal. Par la suite, il fait peser toute sa considérable influence et met tout en œuvre pour empêcher l’avancement des projets de sa fille à Dole, où la présence de l’ambitieuse étrangère ne suscite d’ailleurs pas que de la bienveillance. Le père va jusqu’à menacer les jésuites de Dole de façon qu’ils se voient contraints à couper tout contact avec elle, et à la faire chasser de la maison qui l’héberge. Il la soumet aussi à deux examens devant des commissions ecclésiastiques – qu’elle passe haut la main grâce à l’intercession de son confesseur et à sa propre habileté dans le domaine de l’argumentation théologique. Avec une obstination qu’elle justifie comme venant directement de Dieu, elle poursuit son œuvre, trouve des compagnes en les personnes de Claudine de Boisset et Isabeau Brocard, continue à enseigner et à former des enseignantes et s’apprête à ouvrir son institut pour l’éducation des filles. Or pour ce faire, elle a besoin de l’approbation des autorités politiques qui à leur tour demandent des références ecclésiastiques, notamment que la compagnie s’organise selon une règle déjà approuvée par le Saint-Siège. Au conflit avec le père s’ajoute alors celui avec l’église, qui depuis le concile de Trente, oblige toute communauté de religieuses féminines à se cloîtrer – ce qui va directement contre les principes de X. qui prévoient que les sœurs enseignantes aillent dans le monde pour pouvoir administrer l’éducation gratuite aux filles et femmes pauvres qui ne disposent pas de la dot nécessaire pour entrer dans un monastère. Elle insiste en arguant que Jésus-Christ n’a point cloîtré ses apôtres. Cet aspect fondamental et novateur de la Compagnie de X. fait scandale et devient par la suite l’obstacle principal pour la réalisation de son projet. Tout comme à son père, elle ne se pliera jamais à l’exigence de la clôture. Elle trouve alors un compromis pour faire avancer sa cause : l’intention de X. étant originalement de fonder une Compagnie de Marie, à l’instar de la Compagnie de Jésus, elle se résoud à l’appeler Compagnie de Ste-Ursule, selon le mouvement des Ursulines d’Angèle de Merici (1474-1540) qui est en train de se répandre rapidement en France et qui, à l’époque, représente la seule version acceptable d’une vie en commun pour les femmes en dehors des grilles d’un monastère. Ainsi, X. adhère à la règle de la Compagnie des Ursulines de Tournon, approuvée par Grégoire XIII. Cette démarche, entre autres – notamment la bénédiction de l’évêque de Lausanne, Mgr. Doroz – lui procure finalement l’autorisation pour ouvrir son institut à Dole, ce qu’elle met en pratique le 16 juin 1606.
Par la suite, X., dans sa fonction de maitresse de novices, et Claudine de Boisset, supérieure, consolident leur institut. Elles obtiennent une concession pour construire une chapelle et des classes (1608-1610), ainsi qu’un couvent. En 1608, le Saint-Siège leur octroie une concession d’indulgence. L’institut fleurit et X., réputée pour sa sainteté, fait de plus en plus l’objet de vénérations et admirations. Elle reçoit des demandes pour fonder des instituts en dehors de Dole. C’est à partir de 1615 seulement, quand l’Institut compte 24 sœurs enseignantes, qu’elle peut satisfaire ces demandes. Sa Compagnie essaime alors à Vesoul en 1615, à Besançon en 1616-1617, à Arbois en 1617, à Saint-Hippolyte en 1618 et à Porrentruy en 1619. En 1617, à son retour de Besançon, elle est élue supérieure de sa propre maison à l’insistance de ses compagnes. Deux ans plus tard, elle tombe grièvement malade et le 8 juin 1621, elle s’éteint en odeur de sainteté.

Son influence dans le Jura
Le prince-évêque de Bâle, Guillaume Rinck de Baldenstein, fait la connaissance de X. en 1588 lors de son passage à Dijon comme étudiant au sein du Collège des jésuites. Par la suite, il est impressionné par sa renommée et le succès de son œuvre. Quand, en 1619, il décide de fonder un institut pour l’éducation des filles dans sa ville de résidence et de donner des structures officielles et solides aux initiatives qui y existent déjà à ce sujet (promues par sa sœur, Hélène Rinck de Baldenstein; voir article sur Claude Dominé), il fait appel à X. et l’invite à venir à Porrentruy, afin de mettre sur pied un institut de Ste-Ursule selon le modèle de Dole. X. se voit cependant obligée de s’excuser en raison de sa santé fragile. Elle lui envoie une lettre personnelle accompagnée d’un certificat de son médecin, ainsi que deux de ses meilleures compagnes, Anne Alteriet et Françoise-Ursule Barbier, qui arrivent à Porrentruy le 7 mai 1619. Les deux sœurs mettent en œuvre la fondation officielle de la Compagnie de Ste-Ursule à sa place. L’Institut assure l’éducation des filles de la région durant des siècles et existe jusqu’à nos jours en tant qu’école privée mixte.
Bien qu’elle ne se soit jamais rendue personnellement sur le territoire de l’Ancien Evêché de Bâle, X. est connue et vénérée comme mère fondatrice de la « cinquième maison de la Compagnie des Ursulines à Dole » (qui essaimera plus tard à Fribourg, Delémont, Damvant et Saignelégier). Son influence sur l’histoire de l’instruction féminine et la vie spirituelle de la région est indéniable, puisqu’avant son intervention, l’éducation pour les filles au niveau institutionnel y était pratiquement inexistante.

La règle imprimée à Porrentruy
La règle d’Anne de Xainctonge n’est fixée par écrit qu’après sa mort, probablement par le père jésuite bruntrutain Stephan Guyon en 1623. Elle est imprimée par les soins du prince-évêque à Porrentruy en 1625. Ce document, dit « règle de 1623 » ou « Compendium » réunit des éléments de l’ordre de Ste-Ursule aussi bien que jésuites et devient la base pour le fonctionnement du couvent et de l’école durant les siècles à venir. Il contient les règles fondamentales pour la vie en communauté sans clôture, ainsi que les principales lignes pédagogiques: L’enseignement se définit clairement dans le cadre d’une mission chrétienne qui lie la notion de l’éducation étroitement à celle de l’édification nécessaire pour obtenir le salut de l’âme. Le programme éducatif assez détaillé du Compendium se résume en trois mots « lire, écrire, coudre », mais comprend aussi la lecture en latin et l’arithmétique, et – fait plutôt exceptionnel pour l’époque – s’abstient entièrement de méthodes autoritaires comme des punitions corporelles ou réprimandes. La règle prend d’ailleurs une position très claire par rapport à la question de l’apostolat féminin en se terminant sur la phrase : « Il ne fait pas doute pour personne que les femmes, elles aussi, peuvent enseigner la foi ».


Auteur·trice du texte original: Kiki Lutz, 18/10/2019

Fonds d’archives

Institut Ste-Ursule, Fribourg, Annales I (1619-1708), cote : SUP 86.
Institut Ste-Ursule, Fribourg, Instituti Sodalitatis Ursulae et Sodalium Virginum recens coactae Compendium, 1625, cot : SUF 39.
Archives de l’Ancien Evêché de Bâle, AAEB, Lettre d’Anne de Xainctonge adressée au prince-évêque de Bâle, 4 mai 1619; Certificat médical, 2 mai 1619 ; cote A 113/1-1/12-13.

Bibliographie

Gaëtan Bernoville, Le Cloître Dans Le Monde. Anne de Xainctonge. Paris : B. Grasset, 1956
André Chèvre, « Les origines des Ursulines de Porrentruy : à propos d’un anniversaire », in : Revue d'histoire ecclésiastique suisse, Vol. 63 (1969), p. 92-113
Compagnie de Sainte-Ursule d'Anne de Xainctonge, La vénérable Anne de Xainctonge, fondatrice de la Compagnie de Ste-Ursule. Les Ursulines en Suisse, Fribourg : Impr. de l'Œuvre de Saint-Canisius, 1930
Anne Conrad, Zwischen Kloster Und Welt, Mainz: Philipp von Zabern, 1991, p. 67-74
Marie-Anne Heimo, « Les Ursulines d’Anne de Xainctonge », in : Helvetia Sacra VIII, vol. 1, Die Kongregationen in der Schweiz 16.-18. Jahrhundert, Basel / Frankfurt am Main: 1994, p. 140-161, 133-139
Marie-Amélie Le Bourgeois, «Anne de Xainctonge : la passion d’instruire », in : Amis de la Bibliothèque et des Archives de Dole (dir.), Les femmes et l’accès au savoir au temps d’Anne de Xainctonge, Dole, 1997, p. 235-253
Albert Longchamp, Marie-Amélie Le Bourgeois, Petite vie de Anne de Xainctonge, Paris 1999
Sacra congregatio pro causis sanctorum officium historicum (dir.), Sancti Claudii beatificationis et canonizationis servae dei Annae de Xainctonge fundatricis societatis a S. Ursula de Dôle positio super virtutubus ex officio concinnata, Rome : Typis polyglottis Vaticanis, 1972
Louis Vautrey, Notices Historiques Sur Les Villes Et Les Villages Catholiques Du Jura, vol. III, District de Porrentruy, Genève : Slatkine, 1979 [1863], p. 165-169

Suggestion de citation

Kiki Lutz, «Xainctonge, Anne de (1567-1621)», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://diju.ch/f/notices/detail/1003760-xainctonge-anne-de-1567-1621, consulté le 19/04/2024.

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