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Moutier-Grandval (chapitre)

Chapitre de chanoines dont l'activité est attestée du 12e au 18e siècle et dont les moines obéissent à la règle bénédictine. Au début du 12e siècle (avant 1115), le monastère est transformé en chapitre de chanoines séculiers avec à sa tête un prévôt. Il est très probable qu’autour de l’an mille, Moutier-Grandval exerce une forte influence sur les deux autres établissements religieux de la région, Saint-Ursanne (voir aussi prévôts) et Saint-Imier. Tout au long de leur histoire, les prévôts vont être en butte aux prétentions des princes-évêques de Bâle sur Moutier-Grandval.
Tout au début, après la sécularisation de l’abbaye, le chapitre est en bons termes avec l’Eglise de Bâle. Le premier prévôt Siginand est d’ailleurs un proche de la cour épiscopale. Par contre, dès 1179, une bulle du pape Alexandre III confirme au chapitre des droits spécifiques et exclusifs sur ses biens et ses hommes dans des limites géographiques qui correspondent à celle de la prévôté. Cette bulle est aussi un revers important pour l’Eglise de Bâle qui perd certains de ses droits sur le chapitre, notamment l’élection des chanoines et des prévôts.
En 1295, l’échange de divers biens et droits entre le chapitre de Moutier-Grandval et l’évêque de Bâle, Pierre Reich de Reichenstein, diminue encore les droits de l’évêque sur le chapitre. Durant le XVe s. la souveraineté épiscopale sur le chapitre va s’affirmer. Cependant, on n’en connaît pas précisément ses limites, et on sait que le chapitre bénéficiait de larges prérogatives (droits seigneuriaux, droits de justice, nomination des maires, serment de fidélité des habitants de la prévôté,'). Le 9 février 1430, un acte de l’évêque Jean de Fleckenstein octroie aux bourgeois de la prévôté, l’ayant aidé à rembourser ses dettes, des droits qui appartenaient auparavant au chapitre.
Dès la moitié du XVe siècle, les tensions vont se faire toujours plus présentes entre l’Eglise de Bâle et le chapitre de Moutier-Grandval. Le premier conflit a lieu en 1442 entre le prévôt Jean de Fleckenstein (parent de l’évêque homonyme) et l’évêque Frédéric zu Rhein. L’arbitrage, rendu notamment par deux représentants de Soleure, combourgeoise du chapitre de Moutier-Grandval dès 1404, affirme la prééminence de l’évêque dans le domaine de la pêche et de la chasse. En outre, le texte présente l’évêque comme seigneur (« Herr ») du chapitre, tant spirituellement que temporellement. Les prévôts vont tenter de réagir alors qu’un nouvel élément vient s’ajouter : Berne. A la mort du prévôt Henri d'Ampringen (1484), une grave crise s’ouvre puisque cinq candidats briguent sa succession. Le chapitre nomme le lucernois Jean Pfyffer qui prête serment le 24 septembre 1484. Il est soutenu par son canton et par l’évêque qui s’est rallié à lui après avoir soutenu un autre candidat. Jean Meyer (curé de Büren), de Berne, soutenu par son canton, va alors occuper la maison du chapitre de Moutier avec une centaine d’hommes. Cette attaque est neutralisée par une troupe venue de Delémont. Les bernois saisissent ce prétexte pour occuper la prévôté et faire nommer Jean Meyer comme prévôt (1486). Cet événement permet à Berne de prendre pied dans l’évêché, notamment par le traité de combourgeoisie qu’il signe avec le chapitre et la prévôté de Moutier-Grandval. Malgré un retour de l’Eglise de Bâle à la fin du 15e siècle, Berne garde par la suite son rôle de protecteur de Moutier-Grandval, notamment à l’époque de la Réforme que Bâle ne peut empêcher dans la prévôté.
En 1530, Berne envoie dans la prévôté le réformateur Guillaume Farel, généralement bien accueilli. Les chanoines quittent Moutier-Grandval pour se réfugier d’abord à Soleure puis à Delémont. Dès cette époque, le bandelier, élu par le plaid (assemblée réunissant tous les hommes de 16 à 60 ans, en présence d’un représentant du prince-évêque) remplace le prévôt à la tête de la seigneurie. En 1792, les chanoines sont chassés de Delémont par l’invasion française. Ils s’établissent alors à Moutier puis à Soleure et se séparent en 1798, lors de l’entrée des Français dans cette ville. Cette date marque donc la fin du chapitre de Moutier-Grandval.



Prévôts de Moutier-Grandval

1120-1176 Siginand
1176-1179 Heinricus
1200 Arnoldus
1234-1239 Siginand II
1243-1249 Berthold de Ferrette, évêque de Bâle de 1248 à 1262
1249-1256 Henri de Neuchâtel-Arconciel
1276 Odo
1286-1316 Lüthold de Rötteln
1315-1326 Ulrich d’Aarberg-Valangin
1326-1349 Walther d’Aarberg-Valangin
1349-1356 Conrad Senn de Münsingen
1359-1370 Diebold Senn de Münsingen-Buchegg
1377-1380 Jean de Canel
1380 Thibaud de Rougemont
1393-1399 Hartmann Münch de Münchenstein
1399 Humbert de Neufchâtel
1399-1427 Jean de Villars
1427-1435 Heinrich von Beinheim
1435-1467 Jean de Fleckenstein
1467-1474 Jean Doerflinger
1475-1484 Henri d'Ampringen
1484-1491 Jean Pfyffer
1484-1491 Jean Meyer
1485-1491 Jean Dörflinger, de Beromünster
1485 Conrad d’Ampringen
1491-1506 Jean Burckard
1506 Henri Goeldlin
1506-1511 Jean Lib
1511-1535 Cornelius I de Lichtenfels
1536-1538 Theobald Urs Oeuglin
1539-1564 Cornelius II de Lichtenfels
1564-1577 Philippe de Rambevaux
1578-1589 Jean Setterich
1589-1607 Jean-Henri Mellifer
1608 Walter Juillerat
1608-1611 Georges Varnier
1611-1614 Jean Henri d’Ostein
1614-1623 Jacob Christophe Peutinger
1623-1660 Jean Philippe de Vorburg
1660-1662 Jacques-Christophe Bajol
1662-1687 François de Rambévaux
1687-1703 Jean-Werner Mahler
1703-1711 Jacob Wolfgang de Staal
1711-1720 Joseph François de Schnorff
1720-1751 Conrad-Marc-Antoine de Staal
1751-1763 François Xavier de Schnorff
1763-1765 François Jacques Joseph Chariatte
1765-1789 Joseph Sébastien de Mahler
1789-1798 Jean-Baptiste Buchenberger

Edifices religieux importants
- Moutier, couvent et dépendances sis au sud de l’église primitive (Saint-Pierre). Structures fouillées en 2008 (?)
- Moutier, église Saint-Germain : église collégiale de Moutier-Grandval
- Moutier, chapelle de Chalières : lieu de culte pour l’école du chapitre

Auteur·trice du texte original: Emma Chatelain, 10/02/2006

Dernière modification: 07/02/2019

Bibliographie

Jean-Claude Rebetez, « L’intégration du chapitre et de la prévôté de Moutier-Grandval dans la seigneurie épiscopale », in Jean-Claude Rebetez (éd.), La donation de 999 et l’histoire médiévale de l’ancien évêché de Bâle , Porrentruy, 2002, pp. 101-137
Jean-René Carnal, Frédéric Donzé, Francis Steulet, Histoire du Jura bernois et de Bienne, Bienne, 1995, pp. 13-15
Hevetia Sacra, II/2, Berne, 1977, pp. 372-391
Kathrin Utz Tremp et Stéphanie Lachat, « Moutier-Grandval », in Dictionnaire historique de la Suisse [publication électronique DHS], version du 16.6.2008

Suggestion de citation

Emma Chatelain, «Moutier-Grandval (chapitre)», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://diju.ch/f/notices/detail/3925-moutier-grandval-chapitre, consulté le 18/04/2024.

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