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Centre de Santé Sexuelle – planning familial Jura (SSJU)

Le centre de Santé Sexuelle – planning familial Jura (SSJU) est un lieu d’information, d’orientation, de soutien et d’accompagnement pour les questions concernant la vie relationnelle et sexuelle. Il propose des consultations gratuites, assurées par des conseillères en santé sexuelle. Outre les consultations et le travail d’information et de prévention, le SSJU propose également des dépistages anonymes IST (Infections sexuellement transmissibles), des mesures de contraception d’urgence et des consultations en matière de grossesse. Il comporte trois antennes : à Delémont, Porrentruy et – sur demande – au Noirmont. Anciennes appellations : Centre jurassien de planning familial et de consultation en matière de grossesse (CJPF) ; Centre d’Information et de Planning familial (CIPF) ; Centre d’Information Conjugale et de Régulation des Naissances de Delémont et environs.

Création du centre en 1974
L’histoire de la création du SSJU est liée à l’entrée dans l’espace public des questions de contraception, d’avortement et d’éducation sexuelle, comme l’a montré l’historien Timy Hürlimann. Ainsi, en 1971, au moment du lancement de la première initiative populaire pour une décriminalisation de l’avortement en Suisse, l’idée de la création d’un centre de Planning Familial à Delémont est initiée par un groupe de jeunes couples issus de l’Action catholique ouvrière (ACO) (dont fait partie entre autres Marc-Aurèle Steulet, par la suite maire de Rossemaison). L’objectif de la démarche est d’offrir des informations neutres et objectives pour toutes et tous sur la contraception et la régulation des naissances, afin de « favoriser l’harmonie conjugale », les « enfants désirés » et une « [planification de la] famille en toute responsabilité » (Ébauche de statuts du 24.05.1973). Le premier Centre est inauguré fin novembre 1974 à Delémont, en collaboration avec le Service social de la ville. En 1976, un deuxième centre communal ouvre en parallèle à Porrentruy. À Delémont, les permanences sont assurées par les conseillères spécialisées Paulette Surdez-Rebetez (de 1974 à 1982) et Gladys Bigler (de 1974 à 1981), toutes deux formées à Lausanne. Contrairement à d’autres centres existants en Suisse romande (p.ex. à Neuchâtel, depuis 1969, ou à Bienne), le CIPF n’est pas soutenu par les milieux politiques (mis à part une motion du POP delémontain, 1974), ni par les réseaux médicaux locaux. Il est placé sous la surveillance d’une commission consultative rassemblant des personnalités de différents horizons (dont les initant·e·s du Centre, un pasteur, un prêtre, un représentant des Colonies libres italiennes et le Dr. Georges Broquet, gynécologue s’étant prononcé contre la création du CIPF).

1974-1983 : Développement des activités du centre et oppositions politiques
Le CIPF est au départ un centre informateur. Il souhaite cependant développer ses activités dans l’optique de devenir un centre « prescripteur » (qui peut prescrire la pilule, impossible sans l’aval d’un médecin), développer l’éducation sexuelle à l’école et obtenir le soutien du canton. En 1979, l’équipe du CIPF place ses espoirs dans le nouveau canton du Jura et s’approche du nouveau Bureau de la condition féminine (BCF). Un groupe de travail est créé et une enquête est réalisée par une stagiaire du BCF, Renata Ziviani-Beck, auprès de 3000 personnes âgées de 19 à 39 ans dans le Jura. Les résultats montrent que le CIPF est méconnu mais que la population est majoritairement favorable à un centre prescripteur et à une éducation sexuelle à l’école (cf. Inform’Elles, 1983). L’enquête de Timy Hürlimann montre comment les projets conjoints du CIPF et du BCF se heurtent aux oppositions politiques : d’une part, le député PLR et gynécologue David Stucki interpelle le Gouvernement en s’opposant à l’ « incursion dans le libre exercice de la médecine » que représenterait le développement du Centre. D’autre part, une motion du PDC en faveur de l’éducation sexuelle à l’école est acceptée par le Parlement et met fin au projet élaboré à la même période par le CIPF, le BCF et le Groupe femmes de Delémont. Découragé·e·s, les pionnier·ère·s du CIPF démissionnent entre 1981 et 1982.

1983-1997 : Vers la cantonalisation
Le groupe de travail constitué au sein du BCF prend la relève, avec notamment Madeline Gentil (également membre de la commission du BCF) à la présidence, et les conseillères Ursula Yersin (dès 1991), Marianne Lièvre (qui a ouvert le Planning de Porrentruy) et Marianne Nobs (Delémont, de 1988 à 2015). L’arrivée de responsables médicaux favorables au CIPF, notamment la doctoresse Martolini établie à Delémont en 1982, permet le redéploiement des activités du Centre : en 1990, alors que Ursula Yersin est encore collaboratrice de la maternité, le gynécologue cantonal Jacques Seydoux octroie des dérogations aux conseillères du CIPF afin qu’elles puissent distribuer la pilule en son nom, et transforme ainsi la structure en un centre (quasi-)prescripteur ; en 1992, le médecin cantonal Jean-Luc Baierlé (1950-2021, également à l’origine du Groupe Sida Jura GSJ, 1989, et de l’Opération Nez Rouge, 1990, en Suisse) développe un centre de dépistage anonyme des infections sexuellement transmissibles (IST) au sein du CIPF. En outre, une expérience pilote d’éducation sexuelle à Delémont (« Bureau d’éducation sexuelle », en 1989) mène à l’intégration de l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires jurassiens dès 1991. Considéré jusqu’alors comme un service communal, le CIPF est cantonalisé en 1997 et rebaptisé Centre jurassien de planning familial et de consultation en matière de grossesse (CJPF).

Centre de santé sexuelle
Suite à l’assemblée générale de 2013, le CJPF devient Centre de santé sexuelle – Planning familial Jura (SSJU) en 2014. Cette nouvelle dénomination s’aligne sur la faîtière Santé Sexuelle Suisse. La structure du centre reste inchangée : un comité, plusieurs conseillères en santé sexuelle (en 2014 : Marianne Nobs, Félicienne Lusamba Villoz-Muamba (de 2013 à 2019), Pierrette Gillabert (de 2001 à 2017), Claudine Frésard (depuis 2011), et une secrétaire-comptable, Claudia Lardon (depuis 2009)).

Auteur·trice du texte original: Anne-Valérie Zuber, 09/06/2022

Dernière modification: 25/06/2022

Bibliographie

Canal Alpha (éd), « Quand la Question jurassienne traite de contraception », 5.1.2021, https://www.canalalpha.ch/play/le-journal/topic/24614/quand-la-question-jurassienne-traite-de-contraception (consulté le 19.04.2022)
Timy Hürlimann, La politisation des questions de sexualité dans un canton en construction. Contraception, avortement et éducation sexuelle dans le Jura entre 1971 et 1991 à travers l'institution du Planning familial de Delémont, mémoire de Master en Histoire contemporaine sous la direction de Prof. Anne-Françoise Praz, Université de Fribourg, 2022.
Timy Hürlimann, Anne-Valérie Zuber, « Le Bureau de la condition féminine au Jura : institutionnalisation d’un mouvement social inédit », in Actes SJE, 2022 [à paraître]
Timy Hürlimann, « Le planning familial dans le canton du Jura. Contraception, avortement et éducation sexuelle (1971-1991) », Conférence organisée par la Société Jurassienne d’Émulation, Cycle « Sexualité. Contraception. Maternité », 5.11.2021, Porrentruy, Salle des hospitalières, https://youtu.be/1CEkfVCjwkM (consulté le 19.04.2022)
Marina De Toro, Interruption de grossesse en Suisse : approfondissement par des sources médiatiques (1971 – 1978), mémoire de Master en Histoire contemporaine sous la direction de Prof. Nelly Valsangiacomo, Université de Lausanne, 2021.
Renata Ziviani, Le planning familial dans le Jura, regards sur les souhaits et besoins, Genève, 1982.
« Quand la Question jurassienne traite de contraception », in Canal Alpha, 5.11.2021, https://www.canalalpha.ch/play/le-journal/topic/24614/quand-la-question-jurassienne-traite-de-contraception (consulté le 19.03.2022)
« Ouverture du Centre d’information et de planning familial », in Le Démocrate, 26.11.1974.
« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe… grâce au Planning Familial », in L’Ajoie, 19.04.2017

Informations transmises par Timy Hürlimann le 29.04.2022 et par Claudia Lardon et Claudine Frésard (SSJU), le 4.5.2022.

Iconographie

Logo © SSJU, transmise par Claudia Lardon (SSJU), 2022

Suggestion de citation

Anne-Valérie Zuber, «Centre de Santé Sexuelle – planning familial Jura (SSJU)», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://diju.ch/f/notices/detail/1003892-centre-de-sante-sexuelle-planning-familial-jura-ssju, consulté le 03/12/2024.

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